Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
CYCLO SPORT CIOTADEN
21 juillet 2008

ARMSTRONG

Pendant que le suspens prédomine dans le tour 2008 et que les affaires de dopages continuent à faire la une des médias, petit retour en arrière sur un entretien du septuple vainqueur du Tour.

Interview réalisé fin Juin 2007

Confessions de Lance Armstrong au quotidien gratuit SPORT

Depuis deux ans, date de sa retraite, Lance Armstrong n’accorde plus d’entretiens à la presse. Surtout pas française. Avant le départ à Londres, le septuple vainqueur du Tour de France a accepté de recevoir Sport aux États-Unis, dans sa maison de vacances. Pour se confi er, se défendre… et contre-attaquer.


Pour retrouver la trace de Lance Armstrong, il fallait se rendre fin juin dans la petite ville de Coeur d’Alene, dans l’état de l’Idaho, au nord-ouest des États-Unis, dans les contreforts des montagnes Rocheuses. Et ensuite, s’armer de patience. Comme dans un bon thriller, l’heure et le lieu du rendez-vous furent modifi és au dernier moment. Simple précaution ou opération de déstabilisation ? Les deux, sans doute. Nichée au fond du lac de Coeur d’Alene, « l’un des cinq plus beaux des États-Unis » précise notre hôte, la maison de vacances des Armstrong propose sur trois étages des volumes spacieux, ouverts sur le lac et la forêt. En ce moment, Lance, 35 ans, papa divorcé, a la garde de son fi ls et de ses deux jumelles. Son agent et la nounou des enfants complètent la photo. Le « boss » nous accorde une heure d’entretien suivie d’une séance photos. Entre-temps, Lance s’ouvre une bière. Les Frenchies restent à l’eau
.

Jeune retraité du cyclisme, quelles sont aujourd’hui vos principales activités ?
« Pour résumer, disons que je suis à la fois, un businessman, un activiste sur le front de la lutte contre le cancer et enfi n un citoyen ordinaire âgé de 35 ans. Je suis impliqué dans différentes affaires qui sont à mon nom, notamment une chaîne de centres de fi tness. Au moins une fois par semaine, on m’invite à donner une conférence pour expliquer mon parcours, comment je me suis sorti de ma maladie et comment j’ai remporté le Tour de France.

Parlez-vous, au cours de ces conférences, des soupçons de dopage qui vous collent à la peau ?
J’évoque tous les sujets, y compris les rumeurs de dopage. Mais aux États-Unis, ce n’est vraiment pas ça qui intéresse les gens. En Europe, je ne suis pas sûr non plus que ce soit le cas.

Est-il vrai que vous facturez ces conférences environ 150 000 $ (120 000 €) ?
(Armstrong jette un coup d’oeil vers son agent et hésite.) C’est à peu près ça (éclat de rire général).

Et sur le plan sentimental ? Depuis votre rupture avec Sheryl Crow, vous…
… Je sors depuis janvier dernier avec une créatrice de mode qui habite New York.

Cela va bientôt faire deux ans que vous avez pris votre retraite sportive. Le Tour de France vous manque-t-il d’une manière ou d’une autre ?
Il faut distinguer l’aspect physique et l’aspect mental, émotionnel. Quand le corps est habitué à travailler cinq ou six heures par jour pendant près de quinze ans, forcément, quand tout s’arrête, cela crée un grand vide. Sinon, j’ai vraiment tourné la page. J’aime toujours passionnément le vélo mais la famille du cyclisme ne m’attire plus. Je n’ai plus aucun désir pour ce sport tel qu’il fonctionne. (Il répète.) “Zero desire”. Ce n’est plus mon monde.

Comment l’expliquez-vous ?
Il était vraiment temps que ma carrière se termine. J’étais fatigué par les polémiques et les problèmes politiques du cyclisme. Aujourd’hui, je me rends compte que le vélo, plus que jamais, est miné par des luttes d’infl uences. L’organisation de ce sport est un désastre. Différentes factions s’opposent et il n’y a aucune cohérence, aucune ligne directrice. C’est de cette façon que le cyclisme est devenu le punching-ball du sport mondial. Politiquement, le cyclisme est devenu tellement faible qu’il est très facile de le critiquer et de lui taper dessus.

Certains disent que vous étiez et que vous restez toujours une partie du problème du cyclisme. Vos performances auraient été trop belles pour être honnêtes. Qu’en pensez-vous ?
Cela ne m’atteint pas et je n’en conçois aucune frustration. J’ai mes sept maillots jaunes et mes sept coupes chez moi, à Austin. L’hymne américain a été joué sept fois sur les ChampsÉlysées en mon honneur. Voilà la seule vérité qui compte. Maintenant, on me dit que des gens doutent de moi. Mais qui doute de moi ? Mes enfants ne doutent pas de moi, les Texans non plus et les Américains non plus. Seuls quelques médias français cherchent à me discréditer.

En admettant que vous ne soyez pas une partie du problème, quelles sont vos solutions pour sauver le cyclisme ?/
Je n’en ai pas. Sinon, je les aurais déjà proposées. Je peux vous parler de ce que je connais. Discovery Channel, le sponsor de mon équipe (il en est toujours le copropriétaire), nous quitte à la fi n de la saison et je me rends compte que les sponsors américains ne veulent plus s’investir dans le cyclisme. Dès qu’ils ouvrent le New York Times, ils ne voient que des articles négatifs sur ce sport.

Allez-vous rendre visite à la caravane du Tour de France cette année ?
Non. En 2006, j’avais passé une journée dans la voiture de Johan Bruyneel (directeur sportif de Discovery Channel) mais là, ce sera impossible. J’ai déjà des engagements pendant une bonne partie du mois de juillet dans le cadre des caucus du parti républicain (réunions publiques de militants destinées à désigner le candidat du parti à l’élection présidentielle de 2008).

On vous prête l’intention d’entrer dans la vie politique. Qu’en est-il vraiment ?
C’est vrai. La politique m’intéresse et l’on me parle souvent du poste de gouverneur du Texas. Les élections auront lieu en 2010, mais, à cette date, mes enfants seront toujours très jeunes. Mon fi ls aîné aura 10 ans et mes jumelles 7 ans. Or, je n’ai pas envie de renoncer à les voir grandir. Mais il ne faut jamais dire jamais.

Revenons à l’actualité récente du cyclisme. Onze ans après sa victoire dans le Tour de France, le Danois Bjarne Riis a avoué s’être dopé au cours de sa carrière. Qu’en pensez-vous ?
Je ne connais pas très bien Bjarne Riis. Peut-être a-t-il estimé qu’il se sentirait en paix avec luimême et qu’il pourrait à nouveau regarder ses enfants droit dans les yeux. Je ne sais pas. En revanche, l’hypocrisie de certains dirigeants du vélo m’irrite.

Que voulez-vous dire ?
Je pense notamment à Christian Prudhomme (actuel directeur du Tour de France). Suite à la confession de Bjarne Riis, il a demandé à ce que Riis rende son maillot jaune. Mais avait-on demandé à Richard Virenque de rendre ses maillots à pois ? A-t-on demandé à Bernard Thévenet de rendre son maillot jaune ? A-t-on demandé à la famille de Jacques Anquetil de rendre ses cinq maillots jaunes ?

Revenons sur l’exemple de Bjarne Riis. Pensez-vous qu’il soit diffi cile de garder pour soi le secret du dopage ?
Je ne sais pas. Je n’ai pas de secret. Essayez de vous mettre à la place de Riis… C’est tout à fait impossible. D’autant plus qu’à l’époque où Riis gagne le Tour de France, en 1996, l’EPO était indétectable. Quiconque voulait en prendre n’avait qu’à se servir. Depuis le début des années 2000, c’est une autre histoire. Ceux qui prennent de l’EPO peuvent se faire prendre par les contrôles. Ça change tout.

Avant le début des contrôles en 2000, il y a eu 1999. C’est l’année où les soupçons de dopage à l’EPO qui pèsent sur vous sont les plus fortes…
Vous voulez me parler de ce complot mis au point par le journal L’Équipe ?

Ça, c’est votre point de vue…
Pour moi, il n’y a pas d’histoire. L’Équipe a écrit que j’étais positif sur la base d’un test effectué sur un échantillon B. Quand j’ai vu ça, je me suis dit : “Bon, et maintenant, comment puis-je faire pour me défendre ?” Il n’y avait pas d’issue puisque les droits de l’athlète avaient été bafoués. Je tiens à insister sur un “détail” intéressant. Suite à cette pseudo-révélation, une enquête a été menée par l’UCI pour essayer de retrouver ces fameux échantillons de 1999. Ils avaient été testés soi-disant plusieurs années plus tard en dehors de tout circuit offi ciel. Et bien, ni le laboratoire de Châtenay-Malabry, ni L’Équipe, ni personne n’a su dire où ils étaient. Étrange, non ?

Qu’en concluez-vous ?
Je crois que toute cette histoire a surtout permis à L’Équipe de vendre beaucoup de journaux. D’ailleurs, les échantillons de 2000 ont également été testés et ils étaient tous négatifs.

Entre 1999 et 2005, vous avez couru environ 150 étapes du Tour. Si vous deviez n’en garder qu’une, laquelle serait-ce ?
(Sans hésiter.) L’étape Aix-les-Bains- Alpe d’Huez en 2001. Il y avait tout eu ce jour-là. La victoire et la manière. J’avais joué la comédie une bonne partie de la journée. Les autres coureurs croyaient que j’étais malade et plus on avançait, plus je jouais au mec malade (Il pouffe de rire). En fait, j’étais en super forme et j’avais compris que l’équipe Deutsche Telekom avait tourné toute sa stratégie autour de cet élément, complètement factice. À l’arrivée, je me suis imposé devant Jan Ullrich avec deux minutes d’avance.

Avez-vous refait le coup du “mec malade” en d’autres occasions ?
Non, autant que je m’en souvienne. Mais cette journée de l’Alpe d’Huez, à la réfl exion, est très signifi cative. À mon avis, c’est la plus aboutie. Et pourtant, je ne pense pas qu’elle m’ait rendu très populaire en France. En Allemagne, en revanche, on a dit que c’était un véritable coup de maître, peut-être le plus grand de l’histoire du Tour de France, alors que je l’avais réalisé aux dépens de leur coureur préféré.

Parmi les sept victoires, quelle fut la plus diffi cile ?
Celle de 2003, assurément. C’est l’année où les images sont les plus fortes. Tout le monde se souvient de ce passage dans un champ avec l’Espagnol Beloki. Lui fi nit par tomber et moi, je parviens à rester debout. Il y a ensuite cette montée vers Luz-Ardiden. Je tombe une première fois puis, quelques minutes plus tard, je manque de retomber à cause d’un problème de fi xation sur le pédalier. Ullrich, à son tour, tombe dans le contre-la-montre. Bref, 2003, ce fut une “shit year” (une année de merde). Ça s’est joué à pas grand-chose.

Quelle fut à l’inverse la victoire, sinon la plus facile, du moins la plus confortable ?
Non, vous pouvez dire “la plus facile”. Pas de problème. C’est sans doute la dernière, en 2005. Je n’ai pas ressenti de pression particulière, sinon celle de quitter le cyclisme par la grande porte.

À vos débuts, en 1993, les choses ne furent pas aussi simples. Vous aviez terminé à plus de vingt minutes derrière le Suisse Tony Rominger lors de votre première étape alpine. Lorsque l’on confronte ces résultats avec ceux obtenus par la suite, après votre cancer, comprenezvous que l’on puisse être surpris ?
(Très agacé.) Attendez. Cet argument est vraiment trop facile. Peut-être faut-il que je précise une nouvelle fois que j’avais 21 ans lors de ce premier Tour de France… Il est impossible d’être compétitif en montagne à cet âge-là. Aujourd’hui, même sur les classiques, aucun jeune n’obtient de résultats. Et laissez-moi vous dire quelque chose. En 1993, je remporte le Championnat des États-Unis, une victoire d’étape dans le Tour et le Championnat du monde. N’importe quel observateur du cyclisme se dit : “C’est la marque d’un futur très grand champion”.

De 1999 à 2005, vous avez approché la perfection. Aucune erreur de stratégie, aucun gros problème technique, aucune défaillance physique… Avez-vous tout de même commis ne serait-ce qu’une erreur ?
(Il réfl échit.) Je vais être honnête avec vous. Je vais être honnête… même si vous êtes Français. Ma plus grosse erreur, au cours de ces sept années, c’est l’affaire Fillipo Simeoni (du nom d’un coureur italien qui avait témoigné dans le procès du docteur Michele Ferrari, fréquenté notamment par Armstrong). Je n’aurais jamais dû sortir du peloton pour aller rattraper ce gars. C’était lui faire beaucoup trop de publicité.

À l’issue du procès de Floyd Landis, vous allez peut-être redevenir le dernier vainqueur offi ciel du Tour de France. Trouveriez-vous normal que son nom soit offi ciellement rayé du palmarès ?
Je n’ai pas d’avis tranché sur cette question. Moi, je pense simplement que Floyd est innocent. Le procès qui est en cours aux États-Unis a déjà prouvé une chose : le laboratoire de Châtenay- Malabry est incompétent et manque de rigueur. Dans un procès criminel, si la justice respecte la loi, le coupable peut être condamné à la peine de mort. Mais si la procédure judiciaire enfreint la loi, il ne peut y avoir de peine de mort. Dans cette affaire, les machines qui ont servi aux tests antidopage n’étaient pas correctement calibrées. De plus, aucun observateur n’a été admis à l’intérieur du laboratoire. Ça fait beaucoup de zones d’ombre.

Reposons la question de manière plus directe. Pensez-vous que Floyd Landis a pris de la testostérone avant l’étape de Morzine ou pas ?
(Long silence.) Je ne sais pas. Je n’étais pas à ses côtés, dans son hôtel, pendant le Tour de France. En revanche, il risque de perdre son procès.

Quand vous regardez le palmarès du Tour de France, vous devez vous sentir bien seul. Riis, vainqueur en 1996, a avoué s’être dopé. On a découvert que Ullrich, vainqueur en 1997, était impliqué dans l’affaire Puerto. Marco Pantani, vainqueur en 1998, est mort. Sans parler de Landis l’an dernier. Êtes-vous donc le seul vainqueur “propre” de cette dernière décennie ?
Je sais comment j’ai gagné le Tour de France et comment j’ai dominé mes concurrents de l’époque. Ma vie était tournée autour de cet objectif et j’ai su m’entourer des meilleurs coéquipiers pour l’atteindre. À l’inverse, je pense que Jan Ullrich a toujours souffert de son manque de discipline. J’ai rencontré Eddy Merckx il y a quelques jours. Il me disait : “ Il n’y a que moi qui pouvais prendre 20 kg l’hiver et retrouver ensuite mon meilleur niveau”. Ullrich a voulu faire comme Merckx… C’est peut-être aussi pour cette raison que j’ai remporté toutes ces victoires.

Sentez-vous que l’étau se resserre sur vous ?
Beaucoup de personnes doivent se dire : “Il va fi nir par avouer” ou bien : “Il va avoir besoin de se confesser un jour”. Mais, je suis désolé. Je n’admettrai pas quelque chose que je n’ai jamais fait. Il faudrait être fou. Je ne dirai jamais : “Oui j’étais dopé”.

Comme vous le dites vous-même, il ne faut jamais dire jamais…
Non, là c’est différent. Je ne le dirai jamais parce que je ne l’ai jamais fait. Depuis l’âge de 15 ans, quand j’ai commencé à faire du triathlon, jusqu’à ma retraite sportive, regardez bien : quelles sont les preuves formelles qui pourraient m’accuser ? Vous pouvez chercher longtemps. Il n’y en a pas.

Toutes ces questions, forcément suspicieuses, finissent-elles par vous fatiguer ?
Ne vous inquiétez pas pour moi. Je savais très bien que vous ne veniez pas de France pour me poser des gentilles questions sur les meilleurs souvenirs de ma carrière.

Après LA Confi dential et LA Offi ciel, un troisième livre titré De Lance à Landis vient de sortir aux États-Unis. Ce livre est basé sur les dépositions recueillies dans le cadre du procès qui vous a opposé à SCA Promotions. Pouvez-vous nous rappeler l’enjeu de ce procès ?
SCA Promotion est une société spécialisée dans l’assurance de défi s sportifs. Après mes deux premières victoires dans le Tour de France, j’ai souscrit une assurance pour un montant de 400 000 $ par an. Le deal était simple : si je remportais les quatre Tours suivants, je devais recevoir 10 millions de dollars. Or, après un premier versement de 5 millions de dollars, SCA Promotion a refusé de me payer les 5 millions restants.

Comment s’est conclu le procès ?
J’ai gagné. Ils me devaient 5 millions. Ils ont fi nalement dû me verser 7,5 millions de dollars, soit 50 % de plus. (Il rit.) Belle affaire, non ?

Et que dire sur le fond du dossier ? Des témoignages accablants ont été recueillis. Dont celui de Frankie Andreu, l’un de vos anciens coéquipiers, et de son épouse, Betsie. Selon eux, vous avez avoué à l’équipe médicale en charge du traitement de votre cancer des testicules, avoir consommé de l’EPO, de la testostérone, etc.
Ils ont dit ça, en effet. Ce couple me déteste, je ne sais trop pourquoi. Peut-être que Frankie est jaloux de moi ? Peut-être pense-t-il ne pas avoir eu la carrière qu’il méritait ? Mais personne n’a jamais pu confi rmer leurs témoignages et ces informations, importantes si elles étaient vraies, n’ont jamais été consignées sur un dossier médical. Heureusement, il y a aux États-Unis un principe judiciaire qui s’appelle « l’examen croisé des témoignages ». C’est pour cette raison que ce témoignage ne m’a pas porté préjudice.

Quelle est la liste de vos favoris pour le Tour 2007 ?
Impossible à dire. Vraiment. Je n’ai aucun nom qui s’impose à mon esprit, sauf peut-être celui d’Alexandre Vinokourov. Mais regardez l’exemple du dernier Dauphiné Libéré… Qui aurait pu dire que Christophe Moreau allait s’imposer à 36 ans ? »

ENTRETIEN RÉALISÉ PAR RONAN FOLGOAS, ENVOYÉ SPÉCIAL À COEUR D’ALENE, IDAHO, ÉTATS-UNIS POUR LA REVUE GRATUITE : SPORT WWW.MYFREESPORT.COM .

Publicité
Publicité
Commentaires
Publicité
Newsletter
Derniers commentaires
Archives
Publicité